Article paru il y a quelque temps dans Le Messager :
Vaugelas, le grammairien du Grand Siècle
Il s’était formé à l’Académie florimontane
Claude Favre, baron de Pérouges, seigneur de Vaugelas est né à Maximieux-en-Bresse, dans l’actuel département de l’Ain (alors tout entier compris dans le duché de Savoie), le 5 janvier 1585. Il est mort à Paris en février 1650. Il était fils d’Antoine Favre, président du Sénat de Savoie et ami de saint François de Sales avec qui il avait fondé, à Annecy, l’Académie florimontane. On pense, ainsi, que le jeune Vaugelas avait assisté aux séances, cours et conférences de l’Académie, qu’il s’y était formé.
Entré au service du duc de Genevois-Nemours, cousin du duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier, Claude Favre se rendit à sa suite à Turin, puis à Paris, où il fit la connaissance du cardinal Du Perron et rencontra, chez son protecteur, Malherbe et Coëffeteau : ce sont les grands noms des lettres françaises de ce temps de classicisme naissant. Coëffeteau fut son modèle en terme de style.
En 1615, Vaugelas publia la traduction des sermons de l’Espagnol Cristobal de Fonseca. Introduit à l’hôtel de Rambouillet, où le bon goût littéraire de l’époque était présenté à la haute aristocratie, il y devint le spécialiste des littératures étrangères ; il fit ainsi découvrir le cavalier Marin (grand poète italien). La Savoie était un pont vers les peuples latins : en ce temps-là, on entendait par “littérature étrangère” celle des Espagnols et des Italiens, celle des Anglais et des Allemands étant soit inconnue, soit dédaignée.
Il fut nommé bientôt gentilhomme de la Maison du Roi de France, puis chambellan de Gaston d’Orléans, frère du roi. La pension qui lui était due au titre de ses charges ne lui fut, néanmoins, qu’irrégulièrement payée, et Vaugelas vécut dans la gêne et mourut insolvable. Il s’était pourtant fait une solide réputation de linguiste et de grammairien, grâce, surtout, à ses “Remarques sur la langue française”, publiées en 1647, mais dont le manuscrit circulait bien auparavant dans les milieux autorisés.
Membre, dès sa fondation, de l’Académie française (réalisée, en partie, sur le modèle de l’Académie florimontane), Vaugelas participa aux travaux préparant la publication du “Dictionnaire de l’Académie”. D’abord de direction collégiale, cet ouvrage n’avançait pas, et Richelieu s’impatientait. Les savants linguistes nommèrent leur collègue Vaugelas à leur tête pour faire progresser le travail.
Fils d’un jurisconsulte éminent, Vaugelas était, en fait, avant tout un homme de loi. Son livre sur la langue française n’est pas un traité de linguistique, mais une liste de règles à suivre. Pour en saisir la portée, il faut saisir que, dès 1535, le français avait été déclaré langue officielle en France et en Savoie (alors occupée) par François Ier. C’est dire qu’on devait l’utiliser dans les procédures officielles. Quand la Savoie fut rendue à son duc, le problème fut de savoir quelle langue utiliser concrètement à Chambéry et à Turin. Implicitement, Vaugelas était chargé de le résoudre.
Dans l’introduction à son livre, il est clair sur ce point : le “bon français”, c’est celui qu’on parle à la cour de France ; car quand François Ier parlait du “français”, il voulait dire sa propre langue, celle des rois. Il ne s’agit pas, dit Vaugelas, de savoir ce qui est le plus joli, ni ce qui est le plus logique, mais ce qui se dit à la Cour. Cette franchise manquait de chaleur : le Roi n’est-il pas censé parler la plus belle langue du monde ? La rigueur doit s’accompagner de sentiments pieux, si l’on peut dire : il faut justifier la loi par l’ordre naturel. On comprend que Vaugelas n’ait pas toujours reçu les pensions qu’on lui devait...